Repenser nos zones industrielles: un virage nécessaire pour des milieux de travail plus résilients et plus verts

En accueillant la COP15, Montréal a été à l’épicentre du monde, en décembre dernier, en matière de lutte pour la préservation de la biodiversité. La Ville de Montréal, la CMM, la CMQ et plusieurs municipalités du Québec ont profité de ce moment pour s’engager plus fortement contre l’effondrement du vivant que nous connaissons. Pour une fois, toute l’attention publique n’était pas totalement braquée sur les émissions de GES et les changements climatiques qu’ils occasionnent, mais également sur cette autre catastrophe, plus silencieuse, de l’érosion de la biodiversité.

Il convient maintenant de concrétiser les annonces, entre autres en ramenant la nature par des projets de renaturation dans nos villes. Dans cette perspective, les zones d’emploi de nos villes sont des lieux propices à des changements en profondeur alors que l’asphalte est omniprésent et que la nature déjà peu présente est souvent malmenée. 

Certes, les enjeux de durabilité dépassent largement les espaces zonés industriels. Nos industries, commerces et institutions (ICI) nécessitent une réflexion d’ensemble, interrogeant leur redistribution spatiale à l’échelle métropolitaine; leur densification intelligente et mixte; le rapprochement domicile travail; la mobilité alternative à l’automobile; l’efficience; la circularité énergétique et la décarbonation; etc.

Commencer par la nature

Débuter par le verdissement des zones industrielles permet d’aller au cœur d’un problème criant: ces secteurs sont actuellement pathologiques pour les humains comme pour l’environnement. Rien que sur l’île de Montréal, les zones industrielles existantes sont majoritairement vétustes, orientées vers l’automobile et fortement minéralisées: de quoi en faire les espaces urbains les plus impropres à la vie et les plus inadaptés à un urbanisme résilient. Îlots de chaleur, mauvaise gestion des eaux pluviales, pollution locale, hausse des enjeux de cohabitations avec les communautés, de rétention des employés et de santé publique: tels sont les principaux problèmes auxquels industriels et planificateurs doivent faire face.

Les solutions fondées sur la nature, soit l’introduction d’éléments naturels – ou infrastructures végétalisées – dans les zones industrielles, permettent d’atténuer nombre d’impacts négatifs de ces activités et de leurs aménagements, mais aussi d’adapter ces espaces aux changements climatiques et de réintroduire une certaine biodiversité en ville.

Nous proposons une démarche basée sur les 3: Conserver, Créer, Connecter.  

  • Conserver
    • Il est toujours plus facile et moins coûteux de préserver l’existant que de créer de nouveaux éléments naturels. Les milieux naturels, même perturbés, ont une valeur intrinsèque et relative à ne pas sous-estimer.  En espace urbain, le manque de nature est si important que le moindre espace naturel doit idéalement être préservé, pour ses bénéfices écosystémiques. Si la zone industrielle dispose d’éléments naturels, il est important de les inclure dans le plan d’aménagement et de les mettre en valeur.  
  • Créer
    • La nature procure d’importants bienfaits pour des coûts inférieurs à ceux de l’inaction. Les zones industrielles sont parmi les espaces qui cumulent le plus d’enjeux climatiques qui peuvent être atténués par la nature. En créant des aménagements paysagers se rapprochant des conditions naturelles, on rend possibles certains bénéfices (ou services) écosystémiques.
  • Connecter
    • On acquiert des bénéfices encore plus importants en reliant les milieux et éléments naturels entre eux. Nous sommes actuellement en période d’extinction massive de la vie sur Terre, cette connectivité écologique est donc tout à la fois indispensable et urgente. Les zones industrielles sont parmi des espaces les plus hostiles à la vie. Implanter des éléments de nature en corridors et mosaïques rend les zones industrielles perméables au vivant, plus accueillantes pour la faune et pour la flore, et leur permet de se déplacer entre les milieux naturels métropolitains.

Une communauté de pratique en émergence

La plateforme ZID que nous développons depuis maintenant près de deux ans rend accessible l’ensemble des solutions nature aux planificateurs et décideurs publics et privés à travers un contenu scientifique vulgarisé sur les différentes phytotechnologies, adapté aux besoins des industriels et de résilience territoriale. Des arbres décisionnels et des boîtes à outils viendront bientôt compléter ce contenu pour faciliter la mise en œuvre des projets de développement ou de redéveloppement industriel.

Le 23 février dernier, à la Maison du développement durable, nous avons organisé un premier atelier de travail regroupant les participants de ce qui devient peu à peu une nouvelle communauté de pratiques. 30 partenaires de différents horizons – politiques, experts municipaux, commissaires économiques, entrepreneurs et gestionnaires immobiliers – ont travaillé avec nous à l’identification des principaux freins et leviers au verdissement des zones industrielles sur l’île de Montréal. Une trentaine de recommandations ont émergé de cet exercice d’intelligence collective sans précédent à Montréal, réflexions que nous allons synthétiser pour en faire ressortir les priorités. Cet exercice exploratoire sera suivi d’autres plus ciblés, que ce soit en matière de réglementation, en termes de processus décisionnel, d’aménagement ou encore de financement.

Des avancées dans la région métropolitaine

Nous avons récemment entamé une collaboration avec la Ville de Montréal-Est dans le cadre du cours gradué de phytotechnologies de l’Université de Montréal (APA 6013). Le 17 avril, les étudiants de Béatrice Gervais-Bergeron présenteront des propositions d’aménagement pour 3 secteurs en redéveloppement de Montréal-Est. Ce partenariat arrive à point nommé alors que la Ville vient de dévoiler sa vision d'avenir pour le territoire. Vision ambitieuse et innovante, Montréal-Est, une ville à la croisée des chemins montre la voie d’un renouveau dans l’urbanisme industriel. On y est plus soucieux de la préservation des ressources, de la gestion à grandeur du territoire des eaux de ruissellement, ou bien de l’accueil de projets industriels de grande qualité, pour ne nommer que cela.

Enfin, soulignons, à l’échelle métropolitaine, le lancement d’un programme de soutien aux MRC pour le redéveloppement des zones industrielles durables, dans la foulée de l’adoption du Plan métropolitain de développement économique (PMDE 2022-2031) de la CMM. Un signal encourageant alors que s’amorce la révision du Plan métropolitain d’aménagement et de développement.

Bref, nous assistons à un changement dans la façon de penser, d’aménager les zones industrielles. Le travail à faire est immense, mais c’est à ce prix que nous pourrons inverser la tendance de perte de biodiversité, renforcer la résilience de nos milieux de travail et atteindre nos cibles climatiques.

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